Les derniers chiffres de l’inflation maintiennent la pression sur la BCE

L’inflation IPCH de la zone euro a continué de diminuer dans la lecture préliminaire de février, toutefois dans une proportion moindre que celle anticipée. Dans le même temps, l’inflation de base, qui est désormais le principal objectif des banques centrales, a atteint un nouveau record de 5,6 %. Ce chiffre est près de trois fois supérieur à l’objectif de la BCE, qui devrait donc continuer à relever ses taux au-delà des 50 points de base en mars. Le ralentissement du rythme, qui était attendu en mai, semble moins probable maintenant.

L’inflation globale IPCH a décéléré à 8,5 % en glissement annuel, ce qui représente la quatrième baisse consécutive depuis le pic de 10,6 % en glissement annuel atteint en octobre de l’année dernière. Les partisans de l’approche dovish s’étaient montrés très enthousiastes à l’idée d’une nouvelle baisse, soulignant non seulement que les taux d’intérêt globaux diminuent, mais aussi que les hausses de taux précédentes continuent de se répercuter sur l’économie. Cette semaine, l’économiste en chef Lane a également suggéré qu' »il y a des preuves significatives que la politique monétaire est en train d’agir » et que « pour l’énergie, les denrées alimentaires et les biens, il y a beaucoup d’indicateurs prospectifs qui disent que les pressions inflationnistes dans toutes ces catégories devraient diminuer assez fortement ».

Cependant, il n’y avait aucun signe de cette tendance dans les chiffres de cette semaine, ni d’ailleurs dans aucune des lectures nationales qui ont précédé la publication de l’IPCH global de la zone euro. Bien au contraire. Le rapport d’hier a souligné que la légère baisse de l’indice global – de 8,6 % en glissement annuel – était entièrement due à une forte décélération de l’inflation des prix de l’énergie, qui est tombée à 13,7 % en glissement annuel en février, vs 18,9 % en glissement annuel au début de l’année. Cela reflète une nette réduction des prix du marché pour le gaz et le pétrole par rapport à l’année dernière, mais aussi des mesures gouvernementales destinées à atténuer la pression sur les consommateurs. Les prix de toutes les autres catégories ont augmenté plus rapidement le mois dernier qu’au début de l’année.

Les prix des produits alimentaires, de l’alcool et du tabac ont encore augmenté de 1,6 % m/m en février, ce qui porte le taux annuel à 15,0 % en glissement annuel. Les conditions météorologiques défavorables, mais aussi le fait que les producteurs ont dû payer des prix plus élevés pour les engrais et l’énergie utilisée dans les serres, ont joué un rôle dans la hausse des prix des aliments non transformés. Ces prix sont maintenant 13,6 % plus élevés qu’il y a un an. Les prix des produits alimentaires transformés ont fait un bond encore plus important et ont augmenté de 15,5 %. L’inflation des prix des services s’est accélérée pour atteindre 4,8 % en glissement annuel, et les prix des biens industriels non énergétiques sont 6,8 % plus chers qu’en février 2022.

La Lettonie affiche toujours un taux d’inflation de 20,1 %, tandis qu’en Allemagne, en France et en Espagne, les taux annuels se sont accélérés en février. Il s’agit d’un tableau très inégal qui rend difficile aux colombes d’affirmer avec certitude que l’inflation a atteint un pic et que les pressions sur les prix s’atténuent. Ils peuvent s’appuyer sur les rapports PMI, qui montrent que l’inflation des prix des intrants a diminué, mais aussi que l’inflation des prix de vente reste obstinément élevée, même si le taux d’augmentation a quelque peu diminué. La croissance des salaires s’accélère, et la dernière poussée de l’inflation des prix des produits alimentaires et des services rendra encore plus difficile l’appel à la modération salariale en faisant valoir que les prix de l’énergie sont déjà en baisse.

De fait, la dernière enquête de la BCE sur les anticipations d’inflation date de décembre, lorsque les prix de l’énergie étaient au centre des préoccupations. À l’époque, une série de mesures d’allègement avaient été annoncées par les gouvernements, ainsi que des signes clairs d’une baisse des cours mondiaux du pétrole et du gaz. Cependant, la hausse de l’inflation des prix des produits alimentaires et des services en février se répercutera de manière assez visible sur le revenu disponible réel, et ces gains alimenteront les revendications salariales, d’autant que le chômage reste faible par rapport aux normes de la zone euro, avec une pénurie de personnel qualifié dans certains secteurs. Cette situation devrait maintenir l’inflation des prix des services, qui domine l’indice de référence, nettement au-dessus de l’objectif pour quelque temps.

Mme Lagarde, de la BCE, a déclaré que l’inflation des prix alimentaires était susceptible d’empêcher les taux directeurs de baisser de manière linéaire. Elle reste convaincue que l’inflation va continuer à décélérer. Si nous partageons cet avis, la réalité est que la baisse est plus lente que ne le souhaite la BCE, car les effets de répercussion des précédentes augmentations des prix de l’énergie, associés à l’impact de la croissance des salaires, maintiendront les pressions sur les coûts à un niveau élevé. Avec le retour de la demande, les possibilités de répercuter ces augmentations sont plus grandes.

Mme Lagarde a une fois de plus fait preuve d’une grande réserve en ce qui concerne les taux directeurs, et cela tient aussi au fait que le Conseil des gouverneurs est de plus en plus divisé quant à la nécessité de procéder à de nouvelles hausses de taux. La publication hier du procès-verbal de la dernière réunion a confirmé que tous les membres n’étaient pas favorables à l’engagement d’une nouvelle hausse d’un demi-point lors de la réunion de mars. Le débat sera probablement encore plus vif cette fois-ci, bien que l’inflation de base record rende difficile pour le camp dovish de remettre en question la nécessité de hausses supplémentaires.

Une hausse de 50 points de base le 16 mars est pratiquement acquise et totalement intégrée dans les cours. La réunion suivante aura lieu le 4 mai. Il y aura beaucoup de données clés entre les deux réunions et, dans cette optique, Lane et le camp des dovishs auront à cœur d’empêcher la BCE de s’engager dans une nouvelle hausse de 50 points de base en mars. Nous pensons que Lagarde signalera la nécessité d’un nouveau resserrement, mais qu’elle sera plus circonspecte quant à l’ampleur des étapes suivantes. Une hausse d’un demi-point en mai est plus probable après les chiffres d’hier, d’autant plus que les projections actualisées du personnel entraîneront probablement des révisions à la hausse des prévisions d’inflation à court terme. Toutefois, nous pensons que les colombes éviteront de s’engager rapidement dans un autre mouvement de grande ampleur, à moins que les projections d’inflation ne soient fortement révisées à la hausse.

Pour l’instant, nous maintenons notre prévision d’une hausse supplémentaire de 75 points de base après les 50 points de base de mars, ce qui porterait le taux de dépôt à 3,75 % et le taux de refinancement à 4,25 %. Un taux de dépôt terminal de 4 % est une possibilité, surtout si la BCE s’en tient à 50 points de base en mai. Toutefois, les faucons ont également les yeux rivés sur le QT. Le président de la Bundesbank, M. Nagel, a déjà suggéré que la BCE réduise son bilan plus rapidement à partir de juillet, ce qui indique que cette question sera au cœur des discussions futures sur les paramètres de politique générale. Il en va de même pour la trajectoire globale de la stratégie et M. Lane a déjà indiqué que tout ralentissement du rythme s’accompagnera d’un signal clair que les taux devront rester à des niveaux restrictifs pendant une période prolongée. Tout espoir persistant que la BCE sera prête à pivoter plus tard dans l’année est voué à disparaître.

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Andria Pichidi

Analyste financière

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